"Nul ne peut se faire justice en dehors de la loi". Le procureur de la République de Valence a lancé un appel au calme dans une brève déclaration à la presse ce dimanche, une semaine après la mort du jeune Thomas lors d'un bal dans le village de Crépol dans la Drôme et alors que des militants de l'ultradroite "venus de toute la France" ont tenté d’investir ce week-end le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère d’où sont originaires plusieurs mis en examen.
Depuis plusieurs jours, des appels à venger l’adolescent circulaient sur les réseaux sociaux et sur les boucles Telegram des milieux de l’ultradroite. 80 de leurs membres ont tenté d’investir, samedi soir, le quartier de la Monnaie. Sur plusieurs vidéos, on peut voir des individus cagoulés scander des slogans racistes à la lumière de fumigènes, armés de battes de baseball et de barres de fer. Des affrontements ont eu lieu dans la soirée avec les forces de l’ordre, venues protéger ce quartier populaire. Cinq policiers ont été blessés. Le préfet de la Drôme a indiqué qu'un militant venu de Mayenne pour participer au défilé interdit a été "tabassé" par des inconnus et que son véhicule a été "brûlé". Dimanche un nouveau rassemblement a eu lieu. Il y a eu quelques interpellations, mais les violences ont été contenues par la police. Au total, au cours de ce week-end chaotique, 24 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue.
En déplacement sur place, ce lundi, le porte-parole du gouvernement a rappelé que "à la violence, on ne répond pas par la violence... Mais par la justice. C'est à la justice de rendre justice et pas aux Français eux-mêmes, et entre eux." "Ce qui a coûté la vie à Thomas n'est pas un fait divers, ni une simple rixe en marge d'un bal de village. C'est un drame qui nous fait courir le risque d'un basculement de notre société, si nous ne sommes pas à la hauteur" a poursuivi Olivier Véran.
Dans ce contexte tendu, plusieurs personnalités de gauche ont condamné "la récupération" de la mort de Thomas. Le coordinateur de LFI, Manuel Bompard a fustigé dimanche sur CNews et Europe 1 "une tentative de ratonnade". C’est le "retour des ratonnades. L’extrême-droite telle qu’elle est. La mort de Thomas comme prétexte. La haine raciste comme mobile. La violence comme moyen" a réagi sur X le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel a estimé, de son côté, ce lundi sur France Inter que l'extrême droite est en train de "nous mener vers l'autoroute d'une guerre civile en Europe", en attisant la haine et envoyant "leurs milices provoquer des émeutes urbaines comme en Irlande (...) ou organiser la 'ratonnade' à Romans-sur-Isère".
Derrière la crainte de nouvelles violences à venir, le risque d’une contagion inquiète également sur fond d’une montée de l’extrême droite en Europe. La victoire du Parti pour la liberté aux Pays-Bas la semaine dernière est venue rappeler la prégnance de l’extrême droite en Europe depuis plusieurs années. En effet, pour rappel, plusieurs gouvernements européens sont actuellement composés de formations d’extrême droite. C'est le cas en Italie, en Slovaquie, en Hongrie et en Finlande. L’extrême droite progresse aussi fortement en Espagne, en Grèce, en Allemagne et en France.
Lors des dernières législatives, l’élection de 89 députés du RN à l’Assemblée nationale a conforté les 43 % de Marine Le Pen obtenus au second tour de la présidentielle de 2022. Cinq ans auparavant, seulement huit députés, alors issus du Front national, siégeaient dans l’hémicycle. Mais derrière une notabilisation accélérée du Rassemblement national, plusieurs élus font parler d’eux. Le député Renaissance de Moselle Belkhir Belhaddad a déposé plainte après les invectives du député et porte-parole du RN Laurent Jacobelli. Ce dernier l’avait qualifié de "racaille" en marge d’un déplacement ministériel, sans savoir que des caméras captaient l’échange. Dernièrement c’est le maire de Fréjus et vice-président du RN David Rachline qui est accusé dans un ouvrage - Les Rapaces – publié début novembre d'avoir mis en place un "système politico-financier" dans sa commune. Le tribunal judiciaire de Draguignan (Var) étudierait les suites à donner aux révélations faites dans cette enquête signée par la journalise de L’Obs Camille Vigogne Le Coat. David Rachline a, de son côté, déposé plainte contre l'autrice du livre.
LES EXPERTS :
- Marc LAZAR - Professeur émérite d’histoire et de sociologie - Sciences Po
- Nathalie SAINT-CRICQ - Éditorialiste politique – France Télévisions
- Bruno JEUDY - Directeur délégué et éditorialiste – La Tribune Dimanche
- Charles SAPIN - Journaliste - Le Point, spécialiste des nationalismes européens
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